Traces de voyages …

La ville de La Havane est exceptionnellement vivante, belle, artistique, classique et fragile.

Le centre-ville date de l’époque coloniale, l’architecture est splendide. On est bien dans les caraïbes mais l’impression est étonnante, on se croirait par moment dans les vieilles rues de Barcelone et, quelques instants plus tard, au sein d’un quartier délaissé du Caire des années 80.
Je ne connais strictement rien à l’architecture et à l’histoire de l’art, mais je sais par tous mes sens qu’une beauté intense se dégage des façades, des arcades, des couleurs, des perspectives, de la cohérence générale.

 

 

C’est vraiment beau et pourtant des murs se lézardent, les peintures sont lépreuses, des ferronneries malades hérissent balcons et clôtures, les toitures portent les traces des cyclones, des portes pendent de guingois…
Les immeubles sont comme attaqués par le manque d’entretien, et cette carence est directement liée au manque de moyens de l’état cubain. Il y a manifestement d’autres urgences pour un pays pauvre soumis au blocus et affligé d’une économie aujourd’hui très fragile.

 

 

 

Et pourtant… une majesté distinguée et esthétique se dégage des ces murs auréolés, de ces façades qui alternent les teintes passées, le gris sale et les couleurs vives.

La ville restaurée sera sans doute plus confortable et pérenne, mais peut-être un peu moins belle. Perdra-t-elle sa beauté complexe d’aujourd’hui pour en gagner une autre plus simple, plus efficace mais plus conventionnelle ?

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J’aime les tableaux que construisent les superpositions de couleurs successives sur les murs, le petit air subtilement penché d’une maison d’il y a deux cents ans, les dégradés d’humidité mille fois séchée sur une façade ancienne, la douceur du toit d’un vieil immeuble à la charpente gauchie…

 

Il y a une dimension perverse à goûter le fragile, le délabré, l’apparition de la destruction sous le manteau de la beauté classique et les belles proportions des immeubles de l’époque coloniale. Est-ce la trace du temps qu’on goûte, ou le fragile encore-là ?

Que cela me gêne sur le fond n’empêche pas que je me saoule de cette saveur dans La Havane, si attachante et sûre qu’on s’y perd par plaisir, même la nuit.

 

C’est en fait la trace d’un peuple dans son espace que l’on perçoit, qui nous parle et que l’on apprécie…

Notre ami Fred nous a l’autre jour emmené en vadrouille en voiture dans la ville. Il appelle ça « se perdre dans La Havane ». On perçoit la ville autrement, on la découvre, à la fois belle et sale, superbe et déglinguée. Merci à toi, Fred, pour cette errance imprévue !
Quelques jours après, sans Fred et à pied cette fois-ci, nous avons quitté de temps à autre les artères principales et la vieille ville pour « vadrouiller » à nouveau et ressentir la ville. Le parfum des rues n’a pas toujours été délicieux, mais la balade fut belle aussi.

 

L’Unesco a classé La Havane au patrimoine mondial et les restaurations vont aujourd’hui bon train, en particulier sur le Malecon, le splendide « front de mer » qui longe la côte vers l’ouest. La sagesse de l’Unesco a ajouté dans les projets de restauration les petites maisons, les vieilles voitures et les boutiques qui ne concernent donc pas que la « Habana vieja » ou le Malecon.

 

Et j’aimerai de toute façon La Havane !

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