L’an dernier, nous avions fait une expédition d’exploration sur la route de la côte nord entre Santa Lucia et Mantua. Cette route était dans un état catastrophique et nous croisions très peu de voitures. Nous avions pris de nombreux stoppeurs, pour le plaisir et pour rendre service.
Ce voyage avait été émaillé de rencontres, en particulier celle d’un accordéoniste qui, pour obtenir une pièce des riches touristes étrangers, nous avait dès le redémarrage assourdi en chantant sur le siège arrière d’une voix de stentor, accompagné de son accordeon, en mimant les textes qui plus est . « Guantanamera », Che Guevara », « Maria-Christina me quiere governar »… J’en ai encore les oreilles qui résonnent aujourd’hui et tout compte fait, l’accordéon, de très près… mmmmh…
L’un de « nos » stoppeurs était particulièrement intéressant, nous avions beaucoup parlé du monde, de Cuba, de Bush, de la France, d’économie, de tout.
Il nous avait finalement invité à boire un verre chez lui et nous nous étions enfoncés dans la campagne par des routes en terre, pas très rassurés quand même au bout de 4 km dans des chemins tortueux.
C’est là que nous avions rencontré une famille cubaine particulièrement accueillante et sympa dans un « coin paumé » du nord-ouest de l’île.
Après avoir grignoté quelques frijoles, nous étions repartis en promettant de revenir si nous avions la chance de revenir à Cuba.
Cet hiver, nous avions confié à un ami partant à Cuba des photos, des stylos, du rouge à levre, des gels douches et une lettre en espagnol. Il devait les remettre à une nièce de nos nouveaux « amis » qui travaille elle à Varadero. Quelques mois plus tard, nous avions un message retour pour nous remercier, transmis sur le net par la nièce.
Nous avons donc profité de notre retour inespéré de cette année pour rendre visite. Nous avons prévenu la nièce mais la famille n’a pas le téléphone, alors…
Retour sur la terrible route nord…
Et sur cette route …incroyable mais vrai ! Le même stoppeur que l’an dernier, rentrant de Santa Lucia vers chez lui, comme un an auparavant !
Grand rire, embrassades et cap sur la case familiale.
Et là, surprise : la famille nous attendait ! Ils n’ont pas le téléphone, mais un frère de Mantua avait eu la veille un tel de la nièce et il était venu très tôt le matin-même par le bus.
Leur accueil a été émouvant et grandiose, surtout compte tenu des moyens d’une famille simple de la campagne : ils avaient tué et grillé un cochon dans la matinée :
Dulce avait préparé Yuca (manioc), patates, frijoles, riz, mojo (sauce)…
Nous avions apporté du vin, du rhum, des cadeaux, d’autres photos..
La fête a été superbe, avec cette émotion amicale spontanée que génère le sentiment que la rencontre était improbable et que le moment est unique, que l’autre est fier et heureux que vous soyez là, et que le même sentiment est dans votre tête, qu’on a si peu de temps pour profiter du plaisir d’être ensemble que tout doit être parfait, les personnes comme les choses.
Aucune mangue ne sera jamais aussi bonne qu’une mangue mangée ce jour là… Aucun verre de rhum n’aura la même saveur que ceux bus ce jour-là… C’est un peu bébête et naïf, mais ce genre de moments produit toujours ces sentiments-là. Pourquoi bouder son plaisir ?
Après quelques heures, nous sommes repartis avec le frère de Mantua, nous l’avons ramené chez lui. Il ya peu de chance que nous revoyons nos « amis » de ce coin perdu de Cuba, mais nous savons comme ils le savent que nous sommes « amis », avec la certitude qu’une nouvelle opportunité improbable apporterait le même plaisir, fugace mais sincère.
Et puis, la distance ne fait rien disparaître vraiment : en projet pour cet automne, l’envoi d’une moustiquaire par un pote qui partira en vacances, avec quelques photos, des stylos, un savon de Marseille… Et qui sait, un jour…
Ola ! Dulce ? Luis ? Nino ? que tal ?